Aperçu de la réhabilitation d’une maison typique libanaise, bâtie au XIXe siècle, sans dénaturer sa typologie d’origine, en respectant la topographie et les contraintes du terrain. Il permet de se faire une idée sur le style et les spécificités de construction des maisons libanaises, datant de cette époque, ainsi que des contraintes liées à leur restauration.

Bref historique de la "maison aux trois arcs"
La "maison libanaise" a de fait vécu dans l'ensemble des villes littoral du Levant, Durant la deuxième moitié du XIXe siècle et le premier quart du XXe.
Au Liban, cette maison est communément appelée "maison libanaise". L’archétype de cette habitation est de forme cubique et offre un hall central, trois arcs sur la façade principale orientée vers le nord et un toit de tuile rouge de Marseille ; un escalier extérieur mène à l’étage supérieur. Si la disposition de pièces autour d'un hall central était répandue sur le pourtour de la Méditerranée, voire dans certaines régions intérieures éloignées comme en Anatolie, les trois arcs de la façade renvoient en revanche à un modèle commun du Levant du XIXe siècle.
Par le nombre de spécimens construits et conservés à ce jour, par la quantité des variantes observées et la répartition quasi-générale dans la ville de Beyrouth, la "maison aux trois arcs" définit d’abord et essentiellement cette ville, qui se représente comme son lieu originel et le noyau de son aire d’extension. En dehors de cette agglomération, c’est dans le Liban central, la région du Matn, l’arrière-pays direct de Beyrouth, que le modèle fut le plus répandu.
Tout donne à croire que la "maison aux trois arcs" est le produit d’un territoire structuré par la ville de Beyrouth entre les années 1860 et 1920, celui de la wilaya de Beyrouth dont elle fut justement la capitale, englobant au surplus le mutassarrifiya du Mont-Liban.
Identification du bâti à réhabiliter
Objectifs de la réhabilitation | Réhabilitation en conservant au maximum l’existant |
Adresse | Village de Qornet El Hamra (Caza de Matn, Mont-Liban) |
Localisation | Secteur diffus urbain |
Environnement bâti | Densité moyenne |
Bâti protégé | Non |
Maître d'ouvrage | Monsieur Joseph Assaad Tohmé |
Date de réhabilitation | 2000 |

Description du bâtiment original
Caractéristiques du bâti | Maison typique libanaise de la fin du XIXe siècle à trois arcs, constituée d'un rez-de-chaussée (voûtes d’arêtes) et d’un étage comportant un hall central, six pièces, dont une cuisine de part et d'autres du hall, le tout couvert par une charpente en tuiles. Une inscription datant de 1872 figure sur l'une des portes intérieures donnant sur le hall central au premier étage. La bâtisse est située sur un terrain en pente dont le rez-de-chaussée voûté intègre le dénivelé dans ces deux niveaux de sol différents |
État de conservation avant intervention | État délabré après 40 ans d'abandon du bâti. Charpente en très mauvais état, murs sans désordre de structure |
Usages d’origine | Domestique |
Typologie de l’immeuble | Isolée (maison libanaise à trois arcs et hall central) |
Nombre de niveaux | Rez-de-chaussée + niveau 1 |
Surface totale bâtie | 370 m² |
Nombre de logements | Un seul logement |
Murs | Maçonnerie en pierres calcaires hourdées, taillées dressées. Les murs intérieurs de séparation entre les chambres à l'étage sont en Baghadi (ossature en lattes de bois avec remplissage et enduit de chaux) avec des décors peints |
Plancher | Voûtes avec plancher d'origine. Plancher en béton du balcon des trois arcs |
Toiture | Charpente en bois triangulé, supportant une couverture en tuiles rouges de Marseille. Le sous-plafond de la charpente est formé de roseaux |
Revêtements extérieurs | Sans enduits d’extérieur |
Ouverture et éléments de façade | Trois arcs et une ouverture rectangulaire |
Alimentation en eau | Citerne dans une partie de l'espace voûté |
Système d’assainissement | - |
Études préalables et diagnostic
Etude historique, archéologique socio-économique | Un relevé complet du bâtiment et du terrain ont été exécuté. L'historique de la maison a été facile à reconstituer étant bien connu du propriétaire et de ses parents. Une lecture des phases de construction sur l’existant a permis la confirmation de l'existence de quatre étapes distinctes |
Diagnostics réalisés par élément constructif | État délabré après 40 ans d'abandon du bâtiment. La charpente est en mauvais état, les murs sont sans désordre de structure |
Murs et piliers | Analyse structurale |
Planchers | Analyse structurale, sondages |
Toiture | Analyse structurale |
Revêtements | - |
Le Projet
Le projet a pour but de rendre à nouveau la maison habitable, fonctionnelle et confortable. Pour y arriver, il a fallu améliorer l’accessibilité et augmenter les surfaces exploitables pour y loger des fonctions, sans pour autant dénaturer sa typologie d’origine, tout en respectant la topographie et les contraintes du terrain.
Une accessibilité interne au rez-de-chaussée voûté a été possible par la création d'un escalier dans l'épaisseur des murs et de la voûte. Un accès pour les voitures avec garage, équipements techniques a été aménagé dans une annexe indépendante de la maison et intégrée dans le sol. Le dénivelé du sol a été conservé et intégré dans l'aménagement intérieur du rez-de-chaussée.
À l’étage, le concept portait sur un repérage du hall central (même tronqué) pour lui restituer sa perception dès la porte d'entrée. Cet effet spatial est accentué par la transparence du sas d'entrée et la passerelle suspendue de la mezzanine. Les murs rajouts sont traités différemment des murs originaux, pour marquer les interventions.
Une rénovation de l'espace cuisine a été réalisée. Il y a eu création de salles de bains pour les chambres à l’étage et d’une mezzanine permettant d'utilisation maximale des combles en chambre à coucher.
Un démontage et remontage avec changement d'orientation de l'escalier d'entrée (pour dégager la voûte) et une réhabilitation des façades extérieures, des ouvertures, du balcon et de la toiture ont été réalisés.

Travaux de réhabilitation
Usage actuel | Habitation |
Murs | Au rez-de-chaussée : Démolition des murs de la citerne de l'espace voûté et réutilisation des pierres. Décapage et nettoyage des murs par sablage, l'hydrosablage s'étant avéré inefficace pour les traces d'incendies dans la cave. À l'étage : démolition du mur nord de la pièce jouxtant la cuisine pour agrandir l'entrée, faciliter la distribution vers les différentes zones et rendre possible la création de l'escalier vers l'espace voûté. Démolition du mur de la cuisine et remplacement par un mur courbe en parpaing pour agrandir le hall central. Décapage de l'enduit et restauration des murs en pierre avec les pierres récupérées au rez-de-chaussée, jusqu'au niveau de la hauteur initiale de l’étage (4,40 m) et le reste (hauteur des combles) avec des parpaings enduits et peints. Doublage des murs de façade extérieure avec des murs en pierre intérieur ancrés au moyen d'acier et d’Epoxy. Percement de fenêtre pour l'éclairage de la cuisine dans le mur de façade sud-ouest |
Plancher | Création de l'escalier montant du rez-de-chaussée vers l'étage : Percement dans la voûte pour permettre le passage de la seconde volée suivant la courbe de l'extrados, la première volée étant aménagée dans l'épaisseur du mur sud-est. Allégement des voûtes par un dégagement partiel du remblai, chemisage des voûtes, remplissage avec du béton léger et boulettes du Styropan, puis coulage d'une chape de béton ferraillé. Démolition du plancher en béton du balcon et des poutres métalliques et remplacement par une dalle et des corbeaux en pierre |
Toitures | Démolition de la charpente en bois dépareillé et remplacement par une charpente métallique avec couverture en tuiles montées sur une corniche, périmètre de 60 cm. Les éléments des poutrelles en bois de Qotrani ont été réutilisés après un nettoyage par ponçage dans la sous-face de la charpente |
Revêtements | Remplacement de l'enduit de chaux altéré par du ciment peint |
Pavage | Reprise du dallage avec le carrelage de l’époque |
Installations | Local technique, garage et réservoir en béton intégrés dans le sol |
Aménagements extérieurs | Aménagement paysager sans modification de la topographie du terrain |
Plans après intervention

Évaluation des résultats
Intégration de l'immeuble dans l'environnement urbain et paysager | Le bâtiment s'intègre bien dans le paysage et reste harmonieux avec le style du village, caractérisé par ses maisons libanaises à trois arcs et ses toits en tuiles |
Adéquation ou programme initial | Bonnes conditions de sécurité de confort |
Vieillissement et entretien de l'immeuble | Sans techniques particulières |
Photos des interventions



Façade sud-est après intervention, reboisement et plantations

Façade nord-ouest après intervention phase 2 (création d’une véranda terrasse)

Portes et gravures murales d’époque à l’étage, intégralement restaurées

Vitraux après restauration

Porte sur la façade nord-ouest après intervention et reboisement

